Architectures CREE 374

EX-TERRITORIALITÉ

Publié le 07 mars 2016

En 1989, Patrice Goulet présentait une exposition à l’Institut Français d’Architecture intitulée Temps sauvage et incertain. Cette époque marquait la fin du post-modernisme mais aussi des néo-modernes en architecture. De nouveaux territoires s’ouvraient. Tout redevenait possible, notamment par l’arrivée annoncée de la 3D et des premiers logiciels sophistiqués dans la production architecturale. Cette exposition au titre prémonitoire – la chute du mur de Berlin eut lieu en novembre de la même année – annonçait également le territoire-monde sur lequel les architectes allaient pouvoir s’exprimer, voire, pour certains, expérimenter. Vingt-cinq ans plus tard, l’architecture a fait sa révolution numérique, technologique et esthétique. Après s’être emparée, parfois à l’excès, du nouvel espace de liberté qui s’offrait à elle, elle laisse place à une forme d’ascétisme qui fait écho à une prise de conscience économique, politique, sociétale et écologique. Car aujourd’hui, c’est le monde, et non plus le temps, qui est sauvage et incertain.
De nouveaux territoires ont émergé des bouleversements de ces deux dernières décennies, malheureusement souvent témoins d’un monde en souffrance. Et il y va de la responsabilité de l’architecte de s’en saisir. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les notions de résilience et d’anthropocène, utilisées en philosophie et sociologie, ont récemment investi le champ de l’architecture. Contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, la fin des frontières, des idéologies et des utopies politiques n’a pas ouvert les portes d'un bien commun, architectural ou autre. Les extrêmes se sont exacerbés, alors qu’on observe un recentrage sur une sorte de ventre mou de la société. Finalement, c’est à la marge que se situent les nouveaux espaces de liberté, d’action et d’expérimentation. Là où l’on doit être souple, rapide, léger. Parallèlement aux formes alternatives d’activités économiques qui percent en contournant les lourdeurs d’un système sûr de sa pertinence - bien que défaillant -, on observe actuellement l’émergence de nouvelles pratiques architecturales utilisant des ressources autres que celles imposées par le monde de la construction. C'est aussi le signe du retour de l’architecte comme figure sociale. Pour un architecte visionnaire qui dessine le monde de demain.

Didier Fiúza Faustino

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