D’architectures N°282

Publié le 21 juillet 2020

Un consensus inutile ?

Devant l’apparent consensus au sein de l’ensemble du spectre politique sur la nécessité de faire revivre les centre-bourgs, de ne pas défigurer le paysage rural, d’arrêter l’artificialisation des sols agricoles, nous pourrions raisonnablement être optimistes : la création ex nihilo de zones commerciales ou pavillonnaires, arasant et détruisant les paysages tout en favorisant les trajets en voiture, devrait appartenir au passé. Et puis n’a-t-on pas promis à nos chers petits maires, si vaillants contre la grande pandémie quand l’État – comme il se doit – défaillait, plus d’autonomie ? En héros du bon sens local, ne vont-ils pas protéger leurs territoires ?

Malheureusement – et malgré l’arrêt salutaire d’EuropaCity Paris – chacun peut constater que ce cancer qui détruit irrémédiablement notre cadre de vie progresse toujours aussi dramatiquement. Un million de mètres carrés de surfaces commerciales ont encore été construits en France en 2019. Quant aux maires, alors que l’instauration des SCOT (schéma de cohésion territoriale, loi SRU, 2000) était censée les acculturer aux questions de l’étalement urbain et de la déshérence des centres-villes, ils ont bien utilisé leurs nouvelles compétences mais surtout pour doubler les surfaces jusqu’alors autorisées1 ! Concurrence entre intercommunalités, intérêts particuliers locaux, profits à court terme ou incompétence ? L’intérêt général est vite oublié lorsqu’il s’agit de se faire réélire.

La Convention citoyenne pour le climat publiée le 22 juin s’est elle aussi saisi de cette question dans son article « Artificialisation des sols. Lutter contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain en rendant attractive la vie dans les villes et les villages2 ». Elle propose notamment de définir une enveloppe restrictive du nombre d’hectares maximum pouvant être artificialisés, réduisant par deux l’artificialisation des sols, de prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales, de permettre la construction d’immeubles collectifs dans les zones pavillonnaires, de construire une nouvelle culture de l’habitat collectif et de financer les rénovations des logements dans les petites communes. De belles intentions encore, mais seront-elles concrétisées par la loi et appliquées ? Car si un gouvernement a le courage d’adopter ces mesures, nul doute qu’il se heurtera au front puissant des lobbies et des potentats locaux.

Emmanuel Caille

1. Lire l’entretien avec Pascal Madry p. 58.

2. https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/se-loger-2/

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